UN VÊTEMENT = UNE ÂME = UN TEXTE
“J’ai écrit mes vêtements comme on rédige un poème, alors c’est bien normal que quelques phrases en restent.”
LE MANTEAU DANS LA PEAU
69 mots 376 caractères
Une enveloppe comme un cocon.
Je suis le seul qu’on montre quand plus rien ne transparaît. Aussi le seul allié du grand dépouillement qu’est l’hiver. J’exhorte à la chaleur quand plus rien ne pousse, idole en ma saison, je deviens, de celui qui me porte, l’extension. Je suis un et unique dès lors que je suis adopté, et touche mon acmé lorsque de moi on ne veut plus changer
LE PANTALON DANS LA PEAU
115 mots 630 caractères
Qu’on me mette ou qu’on m’enlève, j’agite ça et là la morale. N’est pas sans culotte qui veut… La chose doit tenir à la valeur de la rencontre entre l’âme et l’étoffe, et de la magie qui en surgit, ou non.
Si sa puissance évocatoire nous fait chavirer ça et là, de l’esthétique révolutionnaire à la Commedia dell’Arte, c’est bien que l’objet seul ne suffit pas à porter le symbole…
Il le trouve dans le mouvement qui l’anime de concert avec le corps qui le revêt.
D’aucun et chacun le porte autrement, est-ce à dire qu’à l’enfiler on puisse devenir qui l’on souhaite, ou encore que l’on soit celui que l’on veut lorsqu’on le porte?
LA CAMISOLE (de force) DANS LA PEAU
48 mots, 299 caractères
En portant sans complexe l’éponymie à laquelle son nom nous renvoie, elle crée le paradoxe qu’elle rompra juste après.
Elle ne garde de la folie que l’intensité qu’elle métabolise en devenant une armure dont chaque couture protège l’intégrité, celle d’un costume qui rend fort plus qu’il ne protège.
LE GILET
77 mots, 448 caractères
Je suis la troisième pièce du costume mais ne saurait être la cinquième roue du carrosse. Et si j’emprunte à Cendrillon la tournure, c’est qu’il y a quelque chose de magique dans mon embrasure, j’entend par là l’espace entre mes entournures. A rebours de mes concurrents, ce n’est pas moi qui dépasse, mais le corps de celui qui m’embrasse, que je caresse des heures durant. D’un uniforme je peux être issu, deux choses importent : forme et tissus.
LA CHEMISE 82 mots, 521 caractères
Objet allégorique du seul vol nécessairement sublime, en ce qu’il témoigne immédiatement de l’amour qui l’oriente. On a tendance à “aimer” un vêtement, non pas comme on aimerait vulgairement un autre objet, mais avec la spécificité unique que son caractère induit. On a par ailleurs tendance à s’approprier les vêtements de ceux que l’on aime, comme pour s’envelopper d’eux. La chemise rend possible le télescopage de ces deux rapports heureux aux vêtements, en matérialisant l’essence de ce qui leur vaut ces affections.
À vous qui les porterez bientôt, j’aimerais redire ce que j’ai déjà écrit : Ces vêtements sont à désirer, à posséder, à apprivoiser, à vivre et à aimer, et puis surtout, à garder, à détourner, à transmettre, à prêter, à donner, à se faire gentiment chiper, ils sont vivants, et je vous souhaite de l’être avec eux.
À vous, merci,
Éléa.